Le matin n’annonçait
rien de bon. J'avais d'abord enfilé mes lunettes de soleil mais à
mesure que je conduisais vers la côte où je travaillais ce jour-là,
une brume épaisse s'était installée laissant difficilement
apercevoir les nuages noirs qui s'amoncelaient au loin sur la mer. Un
marin plus averti aurait déjà flairé l'orage, sans compter qu'à
l'agence, Brigitte était de sale poil.
Moi je pensais que ça
allait se lever. Je me trompais. Une pluie éparse avait ensuite eu
raison de mon pique-nique du midi face à l'océan et l'après-midi
me confirma qu'il y avait un peu d'électricité dans l'air.
Le soir, une fois de
retour au bercail et alors que le ciel s'obscurcissait vraiment, je
décidai malgré tout d'enfiler mes Nike estampillées « H2O
Repel » et ma veste de pluie pour aller nager
courir.
A peine avais-je mis le
nez dehors que de grosses gouttes tièdes se mirent à tomber, ne
laissant le sol sec que sous les arbres au feuillage dense où je
décidai de m'abriter. La pluie redoubla d'intensité et après
m'être demandé ce que je foutais là, je continuai ma route alors
que le tonnerre commençait à gronder.
Je n'étais pas très
rassuré car l'âge adulte n'avait pas vraiment atténué la trouille
de l'orage que je traîne depuis l'enfance.

J'arrivai en ville où
les caniveaux s'étaient transformés en torrents, les rues en
rivières. Les voitures projetaient des gerbes d'eau et les
gouttières percées crachaient de puissants jets d'eau. Les bouches
d’égout dégueulaient leur trop plein et l'Odet se marronnisait
version fleuve Amazone. Pour naviguer plus sereinement au milieu des
ces éléments, il me manquait juste une bouée car la mousson
continuait son œuvre et les eaux montaient.
Derrière mes lunettes
embuées, mes yeux clignaient de peur à chaque éclair puis soudain
le tonnerre déchira l'air d'un craquement sinistre.
Les lumières bleues des
gyrophares des pompiers débordés se reflétaient dans ces millions
de gouttes. La cathédrale pointait courageusement ses deux flèches
vers les cieux déchaînés et moi je filai comme une flèche humide
sur le chemin du retour.
Nouveau coup de foudre !
Au café de l'épée, à l'abri d'une terrasse couverte, un couple
échangeait ses numéros de téléphone.
Le déluge s'intensifia,
annonçant sans doute la fin des hostilités, les grenouilles
chantaient à tue tête pour fêter ces trombes d'eau. L'orage enfin
s'éloignait.
Rincé, je regagnai mon
chez moi sous le regard inquiet des filles, baignant dans le jus de ma veste Décathlon qui, en terme d'étanchéité humide, n'avait
rien à envier au bon vieux Kway de ma jeunesse.
Car s'il est vrai que le
temps passe et que l'eau coule sous les ponts, parfois en abondance,
au fond rien ne change vraiment...
Ô rage ! Ô
désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
Et moi de retourner bayer
aux corneilles...