lundi 9 février 2015

Choisir c'est renoncer

Lettre ouverte au Maire de ma ville.

J'ai du respect pour les personnes qui, comme vous j'imagine, s'investissent corps et âme dans ce sacerdoce où les égos s'effacent sous l'importance et le poids de l'enjeu commun. Car il faut être solide et déterminé pour faire honnêtement avancer sa ville vers un avenir serein. Montrer la bonne direction, savoir prendre des coups, les rendre avec élégance, écouter les uns, ne pas décevoir les autres, tenir ses promesses, connaitre ses dossiers, savoir s'entourer, respecter son budget, voir plus loin mais pas trop, être présent sur le terrain, faire des choix compliqués et plus difficile encore, les assumer, le tout sous le regard d'électeurs parfois fatigués.
Il est vrai que la vie municipale est faite de décisions complexes dont le simple citoyen peut ne pas mesurer les enjeux.
Heureusement il y a parfois des choses limpides qui n'exigent aucune tergiversation, où le bon sens paysan suffit à lui seul pour savoir ce qu'il faut faire.
Dans notre ville il y a une rivière et des passerelles qui l'enjambent, des routes et beaucoup de ronds points, et puis il y a des enfants qui vont à l'école. Oui je sais jusqu'ici, je ne vous apprends rien et vous cherchez le point commun. J'y arrive.
J'habite une ville où quand une passerelle que plus personne n'utilise fatigue, on décide qu'il faut impérativement la changer. Il est vrai que la passerelle voisine, rénovée il y a peu, se situe à environ 15 mètres... Qu'importe tranche-t-on, et allons-y pour la modique somme de 220000 € (coût des travaux)!
J'habite une ville où l'on dépense beaucoup d'argent pour entretenir de très nombreux ronds points délicatement décorés. Récemment, on a décidé que l'un d'entre eux (celui du Frugy) avait le même habillage paysagé depuis trop longtemps. On y a donc construit de magnifiques murets en pierre de taille pour un coût que j'imagine modique... (15 jours de travaux, pelleteuses, camions de terre, maçonnerie, dallage pavé, paysagiste).
J'habite aussi une ville où des enfants vont à l'école publique et où il pleut de temps en temps (je ne vous fait pas ici le reproche d'une météo trop humide, ce serait injuste). Bien entendu, les écoles maternelles de cette belle ville disposent de préaux pour que les enfants puissent s'aérer lors des récréations les jours de pluie. Une exception cependant à l'école de Kervilien, quartier du Corniguel où les parents d'élèves et la direction de l'école maternelle réclament depuis des années (et bien avant votre récent mandat) la construction d'un préau. Et depuis des années on répond que ça serait bien mais que ça coûte cher!
J'habite donc une ville où, pour une passerelle déserte, l'argent (à défaut du bon sens) coule à flot et où, grands comme petits (les pieds dans l'eau) s'accordent à dire que pour le coup, ça ne tourne point rond!
Je m'éclipse, Monsieur le Maire, en espérant avoir pu éclairer vos réflexions.
Et puisque "Faux monnayeur" vous n'êtes pas, je vous laisse le soin de méditer à une maxime d'André Gide, prix Nobel de Littérature : "Choisir c'est renoncer".
En jeu le prix Nobel du bon sens...
Salutations distinguées.