dimanche 3 octobre 2010

Into the water

C'est la fin de l'été. Il pleut. J'hésite mais je décide quand même d'y aller. La voiture navigue sous des trombes d'eau. Alors que j'approche du but, j'aperçois à l'horizon un coin de ciel bleu par lequel perce un rayon de soleil. La petite route est déserte et sinueuse. Les balais d'essuie glace dansent sous mes yeux. D'un coup de klaxon, je salue au passage quelques vaches en mal d'animation. Je bifurque à droite au niveau de l'élégante chapelle. Une longue ligne droite s'étire jusqu'à l'océan. J'accélère sur la route défoncée, pressé d'en découdre. Je me gare derrière les hautes dunes sur le parking quasiment vide. On ne voit pas la mer. J'ouvre la portière et j'entends enfin ce bruit sourd qui roule comme un tambour. J'inspire avec bonheur l'air iodé. Je me précipite sur la plage pour apprécier le paysage. Il pleut toujours et le ciel s'est à nouveau assombri. Il n'y a qu'un surfeur dans l'eau. Les vagues déferlent à un rythme soutenu. La mer sera bientôt haute.
Je retourne m'équiper, à l'abri sous le coffre de la voiture.
Un type du cru sort de sa camionnette avec sa canne à pêche et son ciré. Il porte une espèce de combinaison de pêcheur verte à bretelles avec les bottes intégrées. Vu de loin, on se demande comment les bretelles vont tenir, parce que son bide a vraiment l'air de vouloir se faire la malle. Il me regarde et m'explique qu'il va pêcher le bar. Son visage est vraiment rouge... Il a l'air de s'y connaître. Il espère qu'il y aura moins de courant que la semaine dernière. Mais il y a du "bouillon" et ça c'est bon. Je me dis qu'il tient un putain de slogan. Je lui souhaite bonne pêche et je me retiens de lui dire de faire gaffe à ne pas m'éborgner avec ses hameçons.
J'arrive au bord de l'eau, ma planche sous le bras. Une vague, sans doute plus forte ou plus curieuse que les autres, vient me saluer en me chatouillant les pieds. Elle disparaît aussi vite qu'elle est arrivée, laissant mes extrémités s'enfoncer dans le sable. Droit devant, j'admire le grand bain bouillonnant. Le néoprème m'opprime encore. J'asperge mon visage et ma tête avant de plonger dans l'eau. L'habit moulant se détend. L'eau fraîche glisse, puis s'immisce -quel délice- par les interstices. Je me retourne vers la plage où le pêcheur solitaire installe sa gaule. Je l'ai à l'oeil car je redoute la tuile. Une vague éclate soudain dans mon dos et je me retrouve le nez dans l'écume. Surpris, je me laisse emporter par le courant.
Rapidement, je reprends pied et je me lance à l'assaut de l'Océan. Je dois franchir la "barre" où les rouleaux se désagrègent dans un bouillonnement de mousse et d'embruns. Au delà, les vagues offrent des courbes généreuses et lisses que je rêve de caresser. Pour les atteindre, je dois d'abord faire face à l'adversaire. L'océan protège ses merveilles à grands coups de battoirs. Sur ma gauche, le blockhaus affaissé et à moitié immergé porte les stigmates de ce déchaînement. Je plonge dans le creux de la vague pour éviter la lessiveuse version programme intensif. Je ressors de l'autre coté et je me remets vite à ramer pour gagner un peu de terrain. J'ai à peine le temps de reprendre mon souffle qu'un nouvel obstacle écumant se dresse droit devant. J'avance doucement.
Par moment l'océan se calme et semble s'aplatir. Je profite de ce court instant de répit et j'aperçois la bonne vague qui se forme au large. Aussitôt, je me retourne vers la plage, je palme et je rame comme un damné -vu d'en haut ça doit être marrant à voir- pour essayer de prendre de la vitesse. Mais la vague naissante et affamée m'aspire en arrière avec un appétit féroce. Je lutte encore et je me trouve soudain propulsé par cette puissante virgule qui me ramène au rivage, ponctuant mon effort d'un pur moment de bonheur. 
Je suis seul dans l'eau. La mer forcît mais le ciel se dégage transformant le gris des flots en un superbe vert émeraude. Il fait bon, l'endroit est magnifique. Tout là haut, un avion file vers l'Amérique. Je continue mes ablutions dans cet immense jaccusi.
Une dernière vague puissante m'emporte jusque sur le sable fin et me dépose face à un vieux couple assis au bord de l'eau. Le monsieur semble amusé. Il est torse nu et arbore un magnifique bronzage marcel. Je me relève en leur souriant. Nous échangeons quelques mots et des sourires.
Il est temps de rentrer. Le pêcheur de bar a disparu. Trop de courant sans doute.

4 commentaires:

Virginie a dit…

Tout le plaisir de l'eau pour toi, et tout le plaisir de lire pour moi !
Des vagues qui vont booster mon début de semaine !
En plus le vérificateur de mot me demande de recopier brest :)

Zette a dit…

Pfiou, je sentais presque les embruns de l'océan, moi qui ne connais que la douceur méditerranéenne...
Merci!

Mr SuperOlive a dit…

@ Virginie : Bien content que ça ait pu te filer la pêche, bonne semaine à toi! Il n'y a pas de hasard! Merci et à bientôt

@ Zette : Ça rafraîchi n'est pas? Et bien moi je ne connais pas bien la méditerranée, à toi de jouer!
La bise

Tifenn a dit…

Oh! bien contente que tu sois remis à l'écriture par ici!
Du vivant comme ces vagues, c'est bien bon!