samedi 28 novembre 2015

Je n'ai pas pu chanter la Marseillaise


L'autre jour je suis allé au stade supporter ma petite équipe de foot lorientaise qui affrontait l'ogre qatari du Paris Saint Germain. Ah oui je sais, j'ai toujours eu un petit faible pour les petits, les minus, ceux qui arrivent à faire des choses avec pas grand chose justement. Et j'aime aussi la poésie, le foot en étant sans doute une de ses expressions la moins évidente! Mélanges étonnants, paradoxes, bref tout ce qui fait la richesse du Monde et de la nature humaine!
Je reviens à ce samedi après midi au contexte si particulier, une semaine après les attentats si meurtriers du 13 novembre 2015. 
A cette occasion, la Ligue de Football Professionnel avait prévu la diffusion de notre hymne national pour rendre hommage aux nombreuses victimes. Aux premières notes, tout le stade se lève et entonne la Marseillaise à l’unisson. Mais alors que mon père, mon fils de 13 ans, mes voisins et voisines (oui oui il y a aussi des supportrices) chantent en chœur, je n'arrive pas à pousser la chansonnette. Ce n'est pas que je ne veuille pas partager ce moment fort et émouvant, c'est notamment pour cette communion que j'aime venir dans un stade, mais ça ne sort pas. J'ai envie mais ça bloque, l'émotion viendra plus tard, dans le recueillement collectif et en silence. A cet instant je réalise que ce chant guerrier ne m'a jamais plu. Il a été écrit en 1792 par Rouget de Iisle pour donner du courage aux soldats qui partaient en guerre pour défendre la Patrie. Très bien, c'était il y a plus de 200 ans. Alors oui nous sommes peut être en guerre contre des terroristes endoctrinés et/ou décérébrés, et oui il faut que nous soyons solidaires, unis et dignes mais l'aspect belliqueux de notre hymne est terriblement réducteur. Notre pays de libertés avec toutes les belles valeurs qui fondent la République mérite à mes yeux un hymne de rassemblement plus pacifique.
Tout le monde chante, c'est beau un stade qui chante et vibre d'une même émotion, ensemble malgré les différences. Moi je suis à côté, je ressens la violence des mots, j'aperçois la haine de l'ennemi à qui il faut aller régler son compte alors que j'avais juste envie d'amour et de fraternité.
Alors voilà je n'ai pas pu...

vendredi 4 septembre 2015

Lettre à mon père

Cher papa
Tu sais je ne t'en veux pas. Pour le voyage j'avais mis ma tenue préférée. J'adorais ce short bleu que maman m'avait acheté et ce tee-shirt rouge que je ne voulais jamais quitter. A présent j'ai un peu froid. On dirait que la nuit est tombée bien vite et à présent je suis trop fatigué pour t'accompagner vers notre rêve. J'ai dans la bouche comme le goût salé de tes larmes, mais ne t'en fais pas, j'entends au loin le bruit des vagues. Ça me berce, un peu comme tu le faisais il y a peu de temps encore. Je suis bien, juste si quelqu'un pouvait me réchauffer un peu... Je resterais posé là pour qu'on se souvienne.
Tu m'avais parlé d'un long voyage vers la liberté et la paix. Avais-tu le choix? Moi je voulais surtout vous revoir sourire toi et maman et aussi jouer au foot avec Ghaleb.
Je sais que tu ne t'en remettras pas mais surtout ne t'en veux pas, c'est moi qui ai glissé. Et puis tu sais, j'ai toujours rêvé d'aller à la plage.
Je t'embrasse
Aylan

mardi 28 juillet 2015

On the road again


Cet été, direction l’est de la Grèce, du côté de Thessalonique. Ceux qui me connaissent depuis longtemps savent que c’est notre destination favorite. D’habitude, pour le voyage c’est avion en passant au choix par l’Italie, la Hongrie ou la Bulgarie (les vols directs sont souvent hors de prix pour une famille de 5) + location de voiture. Cette année, on a choisi la solution de dingue à savoir : 18 h de voiture jusqu’à Ancône en  Italie, puis 14h de ferry sur la mer Adriatique et enfin encore quelques 4 h de voiture pour arriver d’abord dans les montagnes grecques puis sur l’île de Thasos. Le paradis ça se mérite !
 
Au départ le critère de décision était plutôt financier. Mais à  mesure que les dépenses s’empilent (révision de la voiture, achat d’une tablette pour que les enfants se chamaillent encore plus dans la voiture regardent des films, batterie portable, glacière réfrigérée, sans oublier le budget essence + péage + hôtel + bateau+ bouffe etc…), il se pourrait bien que cela soit une erreur. Mais passons, le choix est fait et je cherche des raisons de croire qu’au final ça va être l’occasion d’offrir aux enfants des souvenirs de famille qui sortiront un peu de l’ordinaire !
D’ailleurs, je me rappelle d’avoir fait avec mes parents diverses équipées à travers la France et l’Espagne. Je pense que la plus folle a consisté à traverser la France en direction des Pyrénées en Renault 20 TS à 8 !!! 
Bon il faut que je vous  parle un peu de cette voiture qui a m’a longtemps impressionné parce que je la trouvais hyper classe. Je m’imaginais que mon père devait être une sorte de Ministre pour avoir une voiture pareillement imposante et confortable. Faut dire qu’à côté, les autres parents roulaient en R12 ou en R18. Et ma mère avait une R5 orange affectueusement surnommée « Titine »... Du coup, la R20 c’était le grand luxe, sièges immenses, vitres électriques, accoudoir central, essuie glace arrière, etc… Bon ça c’était avant de découvrir qu’il y avait un niveau de finition au dessus, la R20 TX et surtout  la R30, luxe absolu… version française. Sinon elle était bordeaux, mais ça c’est pas grave !

Je disais donc 8 dans la R20… Ah oui, mes parents ont eu 4 enfants et avaient décidé d’emmener avec eux Carmen notre nounou… ainsi que sa jeune sœur qui n’avait ja ja jamais voyagé olé olé !!! (ça c’est pour restituer l’ambiance festive qui régnait dans la voiture et OUI Carmen était bien d'origine espagnole). Allongé sur le plancher, si proche de la route, je ressentais les vibrations de la voiture dans tout le corps ce qui me procurait à la fois une sensation de vitesse et de sécurité mais aussi un bercement d’une redoutable efficacité.  Le tout sans climatisation, sans DVD, et surtout sans ceinture de sécurité ! La voiture devait être si chargée, le bas de caisse arrière embrassant l’asphalte et le nez pointant vers les étoiles, que je me demande si mon père pouvait voir correctement la route! 

Quand la montagne arrivait enfin, ma mère s’extirpait difficilement des sacs de provisions qui l’entouraient pour nous distribuer des sucres imbibés de menthe Ricqlès afin que nous ne soyons pas malades dans les virages. Je pense qu'à force d'en sucer on devait finir par être complètement "pompette" (expression maternelle reprise pour l'occasion) et que nous sombrions dans un sommeil profond! Elle ponctuait régulièrement le trajet de ses observations poétiques à propos des campagnes que nous traversions et de la faune qu’elle pouvait y apercevoir (avec une spéciale dédicace à ces fameuses bergeronnettes qu’elle seule voyait voler ici ou là et dont nous n’avions que faire).

Mon père, concentré et impassible malgré le tumulte qui régnait à l’arrière de la voiture, écoutait du Brassens sur le radio cassette, chemisette et bouclettes au vent, le bras fièrement posé sur le rebord de la portière.  Il filait droit devant, nous conduisant vers notre Eldorado estival fait de piques niques, de jeux rafraichissants dans les torrents de montagne, de délicieuses tartes aux myrtilles que nous ramassions dans la forêt et autres belles randonnées… Bref, c’était les vacances !

lundi 9 février 2015

Choisir c'est renoncer

Lettre ouverte au Maire de ma ville.

J'ai du respect pour les personnes qui, comme vous j'imagine, s'investissent corps et âme dans ce sacerdoce où les égos s'effacent sous l'importance et le poids de l'enjeu commun. Car il faut être solide et déterminé pour faire honnêtement avancer sa ville vers un avenir serein. Montrer la bonne direction, savoir prendre des coups, les rendre avec élégance, écouter les uns, ne pas décevoir les autres, tenir ses promesses, connaitre ses dossiers, savoir s'entourer, respecter son budget, voir plus loin mais pas trop, être présent sur le terrain, faire des choix compliqués et plus difficile encore, les assumer, le tout sous le regard d'électeurs parfois fatigués.
Il est vrai que la vie municipale est faite de décisions complexes dont le simple citoyen peut ne pas mesurer les enjeux.
Heureusement il y a parfois des choses limpides qui n'exigent aucune tergiversation, où le bon sens paysan suffit à lui seul pour savoir ce qu'il faut faire.
Dans notre ville il y a une rivière et des passerelles qui l'enjambent, des routes et beaucoup de ronds points, et puis il y a des enfants qui vont à l'école. Oui je sais jusqu'ici, je ne vous apprends rien et vous cherchez le point commun. J'y arrive.
J'habite une ville où quand une passerelle que plus personne n'utilise fatigue, on décide qu'il faut impérativement la changer. Il est vrai que la passerelle voisine, rénovée il y a peu, se situe à environ 15 mètres... Qu'importe tranche-t-on, et allons-y pour la modique somme de 220000 € (coût des travaux)!
J'habite une ville où l'on dépense beaucoup d'argent pour entretenir de très nombreux ronds points délicatement décorés. Récemment, on a décidé que l'un d'entre eux (celui du Frugy) avait le même habillage paysagé depuis trop longtemps. On y a donc construit de magnifiques murets en pierre de taille pour un coût que j'imagine modique... (15 jours de travaux, pelleteuses, camions de terre, maçonnerie, dallage pavé, paysagiste).
J'habite aussi une ville où des enfants vont à l'école publique et où il pleut de temps en temps (je ne vous fait pas ici le reproche d'une météo trop humide, ce serait injuste). Bien entendu, les écoles maternelles de cette belle ville disposent de préaux pour que les enfants puissent s'aérer lors des récréations les jours de pluie. Une exception cependant à l'école de Kervilien, quartier du Corniguel où les parents d'élèves et la direction de l'école maternelle réclament depuis des années (et bien avant votre récent mandat) la construction d'un préau. Et depuis des années on répond que ça serait bien mais que ça coûte cher!
J'habite donc une ville où, pour une passerelle déserte, l'argent (à défaut du bon sens) coule à flot et où, grands comme petits (les pieds dans l'eau) s'accordent à dire que pour le coup, ça ne tourne point rond!
Je m'éclipse, Monsieur le Maire, en espérant avoir pu éclairer vos réflexions.
Et puisque "Faux monnayeur" vous n'êtes pas, je vous laisse le soin de méditer à une maxime d'André Gide, prix Nobel de Littérature : "Choisir c'est renoncer".
En jeu le prix Nobel du bon sens...
Salutations distinguées.

samedi 24 janvier 2015

HISTOIRE EN DEUX FOIS


Il était ... AUCUNE FOI(S) 
Je ne crois pas en Dieu (celui-là ou un autre), malgré une éducation teintée de catholicisme.
Ma courte histoire avec Jésus, ses apôtres et ce God tout puissant a sans doute commencé dans la froideur d'une église humide où j'ai dû gueuler comme un putois quand le curé a tenté de dessiner une croix sur mon front innocent.
Il faut dire que je suis un sacré rebelle ayant à nouveau manifesté mon désir d'indépendance face à tout cet improbable fatras idéologique, en refusant de faire ma communion vers l'âge de 12 ans. Contrairement à Mr Vinvin, en Jésus je n'ai obtenu que le premier diplôme et encore malgré foi moi !
Mes parents m'avaient donc offert cette liberté de dire NON à Jésus et je les en remercie. Juste après coup, je n'avais pas bien mesuré la portée symbolique de cette volonté d'indépendance et je m'étais surtout dit que j'avais été con de ne pas saisir l'opportunité de me voir offrir une gourmette en or et la photo dédicacée du Pape...
Je devais tout de même parfois assister Allah messe (pardonne-moi cette offense née d'un humour de basse flemme) et me rendre aux cours de catéchisme où un prêtre barbu aux sandales odorantes, fort patient et sympathique, tentait en vain d'expliquer à mon esprit cartésien les fondements et les us et coutumes du fromage pour les nuls de cette religion. J'en garde encore aujourd'hui une aversion pour les fromages aux odeurs trop prononcées. La Le hic c'est que ce prêtre racontait la vie de Jésus depuis son immaculée conception jusqu'à sa mort sans oublier sa capacité à marcher sur l'eau ou à transformer l'eau en vin.  D'accord, tous ces miracles auxquels je n'ai pas cru (s'y fier eût été une erreur) ne sont que des paraboles. Mais je n'ose pas imaginer les dégâts que de telles sornettes auraient (pu) susciter sur des esprits plus réceptifs.
Lors de ces réunions, mon seul réconfort venait de la présence d'une ou deux jolies filles que je m'efforçais de ne pas trop regarder dans les yeux, de peur de les mettre enceintes... Les différents programmes d'histoire retraçant en parallèle la violence des croisades et autres missions évangélisatrices finissaient définitivement de me convaincre des dangers d'un endoctrinement plus poussé sur ma fragile personne.
A l'époque donc j'étais moins catho qu'athée et c'est longtemps après que j'ai bien failli basculer...


Ah si UNE FOIS !

Brooklyn, New York, un dimanche de mai 2014, j'ai alors 40 ans. L'église The Brooklyn Tabernacle est en fait une grande salle de spectacle où plusieurs paroissiens nous accueillent avec de grands sourires en nous souhaitant la bienvenue. Rien que ça, ça change tout. Je suis accompagné de ma femme et d'un couple d'amis, Pauline et Nicolas. Il y a quelques touristes venus, comme nous, assister à cette messe gospel et surtout beaucoup d'habitués qui se sont mis sur leur trente et un. Rapidos ça se met à chanter de partout et la mamie assise à côté de moi est déjà au taquet les deux mains levées à hauteur d'épaule paumes ouvertes, implorant le Seigneur. Ohhhhh Jesus !!
Moi aussi j'ai envie de chanter et de frapper dans mes mains, pas pour Jésus mais pour me lâcher et faire corps avec cette assemblée vivante. Il y a de bonnes ondes dans ce théâtre et je me surprends à fredonner les paroles qui défilent (entre deux pubs!) sur des écrans plats en version karaoké. Bon c'est en anglais, je ne pige pas tout et du coup, le message religieux paraît plus léger que par chez nous !
Le « preacher » est entouré de choristes et porte un costume élégant, quoiqu'un peu brillant. Il alterne les brefs discours et les chansons sont reprises en chœur par toute la salle. C'est bien plus gai et dynamique que la plus joyeuse des messes de mariage à laquelle j'ai pu assister par chez nous...
A un moment donné tout de même, l'ambiance se fait plus lourde chacun regardant ses godasses pendant le sermon du maître de cérémonie qui, en deux temps trois mouvements, absout collectivement ses fidèles de tous leurs pêchés. Et hop, pour fêter ça, tout le monde se remet à chanter ! Légèreté et sourires retrouvés, efficacité à l'américaine.
Puis vient le moment magique où le pasteur donne deux minutes à la salle pour que les gens se prennent dans leur bras et se disent qu'ils s'aiment. J'ai adoré. Au début, j'étais un peu sur la réserve, habitué que je suis à toujours contrôler l'accès à mon « espace privé ». Et puis je me suis laissé aller en serrant des inconnus contre moi, encore et encore. C'était un des ces moments vrais, intenses et rassurants qui font que la vie est belle. Craignant sans doute que je sois définitivement touché par la grâce du Seigneur, mes petits camarades ont même dû venir me chercher au beau milieu de la foule. Je ne voulais pas arrêter, mais il était déjà temps de partir.
Ce partage-là m'a plu et la religion, vue sous cet angle de fraternité, m'a paru plus simple, accessible et chaleureuse.
Au point que je voudrais revivre ces instants, mais le voyage jusqu'à New York coûte cher et je ne marche pas encore sur l'eau...

FIN.