lundi 21 septembre 2009

En attendant Louise (1/4)

Cela faisait déjà quelques mois que nos chemins s'étaient croisés. Nous n'avions fait que nous effleurer, une seule fois. Depuis tout ce temps, je n'avais pensé qu'à elle.
Quand j'avais accepté l'invitation, le souvenir de son parfum enivrant était aussitôt venu réveiller mes sens. Je savais qu'elle viendrait.
Avachi dans ce caniveau, reniflant à plein nez la pisse des autres et mes propres effluves écoeurantes, je commençais à avoir quelques doutes...
Le costume seyant que j'avais enfilé quelques heures auparavant n'avait plus la même tenue. Moi non plus d'ailleurs.


Je m'étais donc rendu à cette soirée avec pour seul espoir d'y retrouver Louise.
Tandis que je guettais son arrivée, je m'efforçais de faire bonne figure. Mes verres se remplissaient à mesure que je les vidais. Je laissais couler, incapable de contrôler ce flux incessant. Mais à mon désespoir, la charmante Louise ne venait pas.

Peu à peu, les bulles réchauffaient mes joues, déliaient ma langue et réjouissaient mes neurones.
Finalement, tout allait plutôt bien. J'étais occupé à paraître. Je parlais fort, riais à gorge déployée, souriais alentour, grignotais poliment, monopolisais l'attention, brillais, bref je faisais le beau. Si seulement Louise pouvait admirer le spectacle.

La soirée avançait et mes yeux s'égaraient peu à peu vers les formes que les invitées suggéraient à mon regard. Les robes frôlaient les courbes, les bouches s'entrouvraient, les joues s'empourpraient, les jambes s'élançaient, les cheveux caressaient les épaules, les nuques frissonnaient, les boucles d'oreilles pinçaient des lobes sans défense et les décolletés plongeaient sur de délicieuses promesses. Certaines femmes jouaient de leurs charmes sans retenue, d'autres paraissaient plus délicates et inaccessibles. Mon imagination faisait le reste. L'alcool et les rondeurs m'émoustillaient.

Louise ne viendrait pas. Mes propos perdaient de leur légèreté et de leur finesse. Je m'égarais.
Cela devait commencer à se voir et certains regards qui m'étaient destinés avaient perdu de leur sympathie et témoignaient d'un début d'agacement. L'assistance n'était plus sous le charme. Je m'en voulais et maudissais l'absence de Louise. Je déambulais bientôt d'un groupe à l'autre livrant à haute voix mes pensées les moins avouables. Mon attitude devenait inconvenante mais je ne m'en souciais guère. J'avais lâché prise et naviguais seul dans un autre ailleurs.
Aussi, quand la maîtresse de maison s'approcha de moi pour me glisser à l'oreille qu'il fallait songer à me faire plus discret, je réagis fort mal. Mon orgueil était touché et je décidai de quitter les lieux. C'est en titubant que je saluai la dame en la traitant de vieille salope mal baisée, criant ma rage et ma frustration aux convives médusés.

Son charmant mari me raccompagna à l'extérieur d'une main ferme avant de me congédier d'un uppercut massif qui mit un terme à cette triste soirée.
Je me trouvai seul et meurtri, vomissant mes excès sur la chaussée humide et malodorante.
Le visage de Louise me revint soudain à l'esprit.
A cet instant précis, le souvenir de son parfum avait une toute autre saveur...


lundi 7 septembre 2009

Fichu pour fichu

Ma fille est en grande section de maternelle. Elle a les cheveux coupés au carré. Elle porte très souvent un fichu pour maîtriser sa jolie tignasse. C'est très pratique.
Le matin de la rentrée elle me dit que les fichus sont interdits avec sa maîtresse. Dans la précipitation du moment j'entends sa remarque d'une oreille distraite, occupé que je suis à vérifier que tout le monde est prêt pour le grand jour. Je n'ai évidemment pas le temps d'imaginer une autre coiffure pour la miss... Je fourre la clique dans la voiture direction l'école où tout se passe comme sur des roulettes. Je redescends enfin en température après le détour par la crèche.
Ce soir ma femme me confirme que la maîtresse ne veut pas de fichu sur les têtes des petites filles. Ben oui, c'est parce qu'elle ne voit pas leurs cheveux! C'est vrai qu'ils sont beaux mais c'est un peu léger comme explication... D'ailleurs, elle doit faire une fixette car elle n'aime pas non plus que les garçons mettent du gel. On pourrait parler d'une obssession quasi permanente...
Bref, ma femme cherche à comprendre, questionne. On arrive enfin à l'explication : "Nous sommes dans une école laïque et les fichus ressemblent aux foulards islamiques". Or, les symboles distinctifs religieux sont interdits à l'école depuis 2004.
Je tombe des nues. Je ne suis pas fortiche en religion mais je ne connais pas bien celle dont le signe ostentatoire d'appartenance est le fichu " Papa pique et maman coud" . La maîtresse, elle, ne voit pas bien la nuance.
Manifestement on est en plein délire. La dame est un peu rigide mais là on frôle la catalepsie. Et l'argument complémentaire "les casquettes sont bien interdites" ne m'arrache qu'un sourire désabusé. Aucun rapport.
Bon elle doit savoir qu'elle est un peu"border line" sur l'affaire car elle n'interdit pas formellement de porter cet accessoire. Elle insiste juste très fortement pour que les fillettes n'en mettent pas. Pour le coup on est dans la nuance.
J'ai bien envie faire monter la sauce en local et de lui défriser son brushing mais je vais m'en garder pour préserver ma fille d'éventuels dégâts collatéraux.
Du coup, elle autorise les bandeaux. J'espère qu'elle aime bien John RAMBO...

Une bien belle histoire de la vraie vie, un poil tirée par les cheveux n'est-ce pas?