mercredi 17 mars 2010

Un coeur à l'abri

Suite de Un jour de pluie.

Elle me fit donc une petite place sous son parapluie. Elle était grande, ce qui facilitait notre colocation. J'avais cependant bien du mal à me caler sur son rythme de marche. Ses longues jambes s'acquittaient de l'allure avec aisance. Je perdais régulièrement du terrain sur elle. Il me fallait la rattraper en enchainant de petits pas saccadés et, semble-t-il, assez ridicules.
Sous cet abri en mouvement, la lumière était tamisée. Finalement, la proximité de cette belle inconnue me mettait mal à l'aise. De brefs coups d'oeil me permettaient toutefois d'apprécier son élégant profil, ses longs cils noirs, la sensuelle commissure de ses lèvres. Je devinais aussi, au coin de sa bouche, un sourire amusé. Elle n'avait pas l'air inquiète, elle faisait juste attention à éviter les plus grosses flaques sur le trottoir. C'est elle qui reprit la conversation :
- "Cela vous arrive souvent d'aborder des jeunes femmes de cette façon?"
- Non non, c'est la première fois, m'excusais-je presque. 
- Vous ne manquez pas d'air!
En fait, j'en manquais cruellement. Sous cette coupole protectrice où raisonnait le plic ploc de la pluie, j'avais peine à reprendre mon souffle. J'avais chaud, mon visage était aussi rouge que la toile du pépin, et un voile de buée s'était formé sur le verre de mes lunettes. Avec mes cheveux et mon caban trempés, je devais avoir l'air d'un pauvre type...
- Je vous ai aperçue en sortant de chez moi ce matin et je me suis laissé emporter. J'ai souvent failli vous perdre... Quand je fais mon jogging, je ne vais pas aussi vite!
Elle sourit avant de reprendre avec malice :
- Eh bien dites moi, vous ne semblez pas être beaucoup plus doué pour les filatures. Je vous ai repéré depuis un certain temps déjà! 
- Vous n'êtes pas détective au moins? enchaina-t-elle dans un grand rire.
- Non pas du tout.
- Le contraire m'aurait étonné. Et puis vous n'avez pas d'imperméable! se moqua-t-elle gentiment.
Je ne savais pas bien quoi lui répondre. Elle poursuivit :
- Vous n'êtes pas très bavard. Comment vous appelez-vous?
- Simon, et vous?
- Jeanne.
- C'est un beau prénom. Jusqu'où allons nous ?
- Pas très loin. J'ai un cours et je suis en retard. Au fait, que me voulez-vous? 
- Rien, j'ai suivi mon instinct...
- Vous n'avez rien de mieux à faire, vous ne travaillez pas? m'interrompit-elle.
- Euh et bien c'est à dire qu'en ce moment je suis un peu entre deux eaux et...
- Ça je l'avais remarqué! répondit-elle en riant à nouveau.
Mes Converse détrempées "flic-flaquaient" sur le pavé parisien et mon moral glissait dangereusement vers mes chaussettes mouillées. 
- Je suis arrivée, il faut que je vous laisse dit-elle soudain en s'arrêtant brusquement.
Nous nous trouvions face à une entrée discrète où une plaque indiquait la présence d'un cour de danse.
Elle se tourna alors vers moi, me laissant me perdre quelques instants dans son intense regard émeraude. Un battement de cil me ramena à la réalité.  
- Pourrions-nous nous revoir? osai-je lui demander.
- Je suis désolée, mais mon coeur n'est pas à prendre. Vous perdriez votre temps... En tout cas, vous m'avez bien amusée. 
Mon regard tomba à mes pieds avant qu'elle ne me porte l'estocade.
- Si je peux me permettre un conseil, arrêtez de lire des histoires et surtout, allez vite vous mettre au chaud!
Elle poussa la porte et me laissa là sur le trottoir, m'adressant un regard furtif...
La pluie avait cessé mais une goutte d'eau froide vint finir sa course au creux de mon cou.
Je décidai de suivre ses conseils et de rentrer chez moi. 

Photo from chez Anne Laure

mardi 9 mars 2010

Séance coiffure

Quand j'avais 18 ans et les cheveux un peu plus longs, on me trouvait une ressemblance avec un chanteur à midinettes qui, depuis, a un peu grossi. J'avais oublié. La semaine dernière, au boulot, on me sort : "On ne t'a jamais dit que tu ressembles à Bidule truc?". Aujourd'hui je suis donc allé me faire couper les cheveux, histoire d'être peinard.
D'abord, je me rends chez mon coiffeur habituel. L'endroit n'est pas très classe, mais c'est bon marché et, pour ce que j'ai à y faire, c'est parfait. Sauf qu'il y a souvent du monde et que la boutique affiche complet. Je cherche donc un autre professionnel en hâte. Le seul où l'on veut bien m'accueillir est une enseigne connue à grand renfort de marketing glamour. Frank P. pour ne pas la nommer.
Le salon est autrement plus soigné. On m'affuble d'une blouse blanche informe et on m'installe face à moi même pour patienter. J'attends assez longtemps qu'un client finisse de se faire tailler les cheveux en quatre. Je dis ça parce que le type est très pointilleux sur sa coupe à la brosse. J'ai un peu envie de lui dire que, comme l'ex chanteur à qui je ressemble, la brosse, c'est un peu as been.... Comme c'est une coupe genre bidasse, je choisi de garder la remarque pour moi. A la fin, il est presque aussi bien coiffé que le clebs qui l'accompagne!
Arrive enfin mon tour. Je range mon téléphone, c'est plus prudent
La jeune femme me demande ce que je veux. Je lui explique rapidos. Elle me tripote, les cheveux pour faire connaissance et elle me sort cash :  "Vous n'auriez pas un peu de pellicules?". Ben non ma cocotte! Elle commence bien celle là. Je sens de suite qu'on va être copains...
Pendant qu'elle me lave les cheveux, elle me demande  : "Vous les lavez souvent vos cheveux?". Je lui répond : "Tous les jours". Elle enchaîne  : "C'est pour ça qu'ils sont rêches."
Là je me dis qu'à défaut d'avoir du tact, la demoiselle possède sans doute le sens du commerce! Au moment de payer, pour soigner ma chevelure, elle me proposera le shampoing Ultra régénérant aux oligos éléments bio-hydratants du sieur Frank P. J'imagine déjà la réplique que je vais lui servir dans les dents, version Jacky Chan.
Un seul point positif, elle ne me m'inonde pas les oreilles, ni le cou, en me rinçant les cheveux.
Pendant le quart d'heure que dure la coupe, elle essaye de lancer la conversation sur un : "Ben la chanson des Enfoirés cette année, elle n'est pas terrible, hein?". On se croirait chez Gigi Coiffure... Je lui glisse une réponse laconique, et je me retiens de poursuivre que ça ne vaut pas un bon Larusso... 
Ensuite, elle reste assez silencieuse. 
La coupe est classique mais le tarif a grimpé de 50% par rapport à mon coiffeur habituel! Aucun "plus client". J'attends la proposition du shampoing pour mes cheveux rêches. Rien, elle n'ose pas. Je suis presque déçu.  
Elle veut me plumer jusqu'au bout car je suis obligé de lui réclamer ma veste en partant!
Si vous attendez la chute, c'est raté, ce billet est sponsorisé par Petrole Hahn qui comme chacun sait...