J'ai de bons souvenirs de cet endroit où mes parents vivent toujours.
J'y ai découvert le monde agricole avec le taciturne Mr Sizorn qui nous embarquait sur la remorque de son tracteur pour aller couper du maïs aux champs. Il n'avait pas d'enfant, ne disait pas grand chose, mais sur son visage buriné on pouvait lire toute la gentillesse d'un homme simple. Sa casquette grise vissée au crâne et la clope au bec, il conduisait son modeste tracteur rouge et gris avec une assurance qui m'impressionnait. Assis à l'arrière de la remorque, je regardais défiler les chemins de terre, respirant l'air breton et goûtant avec délice à ce parfum de liberté. Je me souviens de son petit rire amusé face aux questions naïves de l'enfant curieux que j'étais. Je l'aimais bien.
Mais dans ce paisible quartier j'ai aussi eu la trouille. Notamment lorsqu'il s'agissait, les soirs d'hiver, d'aller chercher le lait frais à la ferme des Sizorn. Elle n'était pas très éloignée de notre maison mais lorsqu'il fallait faire ce trajet, seul dans le noir (après avoir sans doute un peu trop traîné sur mes devoirs), je n'en menais pas large! La première étape consistait à grimper une côte avant de bifurquer sur la gauche à angle droit. Sur la droite en haut de cette petite colline, il y avait une autre ferme tenue par un homme veuf et son fils, les Cochard (un nom à coucher dehors, je vous l'accorde). Personne n'osait trop s'y aventurer, même en plein jour, d'autant que les deux énergumènes, chasseurs énervés et maladroits, avaient une fâcheuse tendance à noyer leur solitude et tout le reste dans l'alcool. Tout ça va de pair me dire-vous, on est en Bretagne!
Un jour que ma mère nous ramenait de l'école dans sa Renault cinq orange, nous trouvâmes devant nous sur la route le fiston en fâcheuse posture. Il était monté sur un cyclomoteur mais avait toute les peines du monde à dompter sa Motobécane bleue. Il zigzaguait de façon incroyable, embrassant les bas côtés, balayant la route dans toute sa largeur, le tout au ralenti, à la limite de la rutpure. J'étais sidéré par un tel spectacle digne des meilleurs équilibristes! Lorsque ma mère finit par trouver l'ouverture et réussit à le doubler avec précaution, je fus soulagé et je me retournai aussitôt pour ne pas perdre une miette du spectacle. Le final fut à la hauteur. Perturbé par le déplacement d'air (ou ébloui par la couleur orange vif de notre Titine) notre héros imbibé s'en alla aussitôt et en douceur dans les décors, sous nos regards médusés! Bref.
Un jour que ma mère nous ramenait de l'école dans sa Renault cinq orange, nous trouvâmes devant nous sur la route le fiston en fâcheuse posture. Il était monté sur un cyclomoteur mais avait toute les peines du monde à dompter sa Motobécane bleue. Il zigzaguait de façon incroyable, embrassant les bas côtés, balayant la route dans toute sa largeur, le tout au ralenti, à la limite de la rutpure. J'étais sidéré par un tel spectacle digne des meilleurs équilibristes! Lorsque ma mère finit par trouver l'ouverture et réussit à le doubler avec précaution, je fus soulagé et je me retournai aussitôt pour ne pas perdre une miette du spectacle. Le final fut à la hauteur. Perturbé par le déplacement d'air (ou ébloui par la couleur orange vif de notre Titine) notre héros imbibé s'en alla aussitôt et en douceur dans les décors, sous nos regards médusés! Bref.
Cette ferme délabrée restait donc un mystère, bien gardée par quelques chiens agressifs qui aboyaient bruyamment lorsque je passais à proximité. Je craignais en silence que l'un d'entre eux s'échappe pour se faire un délicieux dîner de mes mollets de coq. Mon autre crainte était que l'un des deux poivrots, à l'affût, me confonde avec un faisan égaré, et me fasse l'offrande d'une giclée de plomb dans le postérieur. Pan!
Ensuite, la route longeait d'épais cyprès, agités par le vent, d'où je m'imaginais voir surgir je ne sais quelle créature mal intentionnée. Pour me rassurer, je tenais fermement le pot de lait en plastique translucide, prêt à m'en servir comme d'une arme redoutable... et j'accélérais le pas.
Derrière la porte coulissante de l'étable, les vaches attendaient la traite côte à côte en mâchouillant paisiblement leur repas du soir. Il régnait là une odeur un peu aigre d'excréments mais la chaleur animale était plutôt rassurante. Mme Sizorn, n'était jamais loin et venait à ma rencontre pour remplir mon pot d'un lait tiède et crémeux à l'aide d'une grande louche qu'elle plongeait dans une profonde cuve ronde en inox. Non sans un certain à propos, cette brave dame se plaignait souvent que tout allait de mal en pis... Elle arborait toujours une magnifique blouse à fleur dans les tons bleus et elle avait un tel accent que je me demandais bien d'où elle pouvait bien venir. En fait, c'était moi l'étranger!
Alors, je repartais dans le noir, encombré de ce récipient rempli d'un lait que je n'aimais pas trop, veillant à ne pas courir trop vite pour éviter la chute.
Depuis, Mr Sizorn est mort, la ferme a été vendue, Adieu veau, vache, cochon... comme dit la fable.
Aujourd'hui dans les champs environnants il y a des chevaux... Tagada, tsoin, tsoin!
Aujourd'hui dans les champs environnants il y a des chevaux... Tagada, tsoin, tsoin!
Bon, en parlant de chute, celle là est un peu désinvolte, pour ne pas dire cavalière.